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Le Monde, 24 janvier 1994


Costume sombre et idées claires
QUINZE ANS APRES LA VIOLENCE SALUTAIRE DE MARQUIS DE SADE,
APRES LA NOIRCEUR DE MARC SEBERG, PHILIPPE PASCAL REVIENT A LA VIE AVEC PASCALE LE BERRE

Décidément, Patrick Modiano a fait des émules. Depuis les prestations de l'écrivain à l'élocution hésitante sur le plateau de feu " Apostrophes " face à Bernard Pivot, on ne compte plus les parodies ni les pastiches. Le " modianisme " est devenu une mode. Un slogan : "Pour être intéressant soyez incompréhensible ". Philippe Pascale, le groupe, et Philippe Pascal, le leader du groupe, s'inscrivent, en interview, dans cette lignée. Au phrasé de l'écrivain, ils ajoutent même les silences entendus de Serge Gainsbourg. Il faut tendre l'oreille.

" Macadam ", l'émission de variétés d'ARTE, proposée par Béatrice Soulé, rencontre l'univers de Philippe Pascal et Pascale Le Berre, les deux prénoms de Philippe Pascale, le dernier en date des descendants de Marquis de Sade. Un loft pour décor, dépouillé à l'extrême, murs blancs et nus, les musiciens du groupe, lumière crue, un canapé, des fantômes. Premier revenant donc, Marquis de Sade, le groupe mythique fondé à Rennes par Philippe Pascal à la fin des années 70, quand la vague punk déferlait su l'Angleterre et touchait nos côtes. Un passage météoritique dans la galaxie du rock mais une traînée encore remarquable prolongée par deux albums, dont Rue de Siam, qui ont marqué toute une génération de rockers français. Alain Maneval interroge Philippe et Pascale comme une introspection. Les questions n'appellent pas forcément de réponses. Philippe Pascal, éternel costume sombre, yeux cernés d'un trait de khôl, se souvient : " Marquis de Sade, c'était la violence désordonnée, c'était toute une accumulation de frustrations, de haine au sortir du lycée, cette peur de se retrouver coincé à jamais dans l'ennui de la classe moyenne rennaise ". Des confidences soulignées, chaque fois, d'une référence musicale. L'entretien s'ouvre sur Six in the Morning.

Après la genèse de Marquis de Sade, Philippe et Pascale évoquent Marc Seberg, leur second groupe. Un crève-cœur musical pour un happy-end sentimental. Car de l'échec du groupe naquit leur couple, un groupe, deux prénoms.

Intimiste, l'émission de Béatrice Soulé laisse la complicité s'installer pour capter l'émotion. Touché par l'échec de Marc Seberg, le chanteur passe aux aveux: " Philippe Pascal qui ne suivait pas, qui décrivait un monde qui ne me ressemblait absolument pas. Le personnage m'a échappé. " Un avis partagé dans une moindre mesure par sa compagne-partenaire, Pascale Le Berre : " Je ne regrette rien surtout pas Quelque chose, noir - l'album du groupe défunt. " "Macadam " chemine à l'inverse de " Taratata ", autre émission musicale proposée pu France 2. Au direct ponctué de chansons du show animé par Nagui, elle préfère une continuité où la musique, l'extrait de film. les voix et les silences participent d'un même mouvement. Avec Philippe et Pascale, Béatrice Soulé éclaire comme des flashs les influences des deux musiciens. Référence première du chanteur, le Velvet Underground, le groupe américain mythique. I'm Waiting for My Man défile sur l'écran. Pascale le Berre, elle, a un jour craqué sur David Bowie. Changes lui remémore tout à coup ses souvenirs de jeune fille. " Macadam " bannit les trop longs discours, les redondances. Pourquoi sont-ils un jour montés sur une scène? Un extrait de Because the Night interprété par Patti Smith apporte la réponse. Une évidence. Suivent Richard Hell et Television, Tom Verlaine et la Blank Generation, Jeanne Moreau dans Querelle. Les goûts et les amis du couple : " Je me rends compte que les gens que l'on aime sont ceux qui ont jeté un pont entre leur culture et la nôtre. "

Mais " Macadam ", c'est aussi l'occasion d'un voyage aux sources de l'inspiration des invités. Des groupes, des sons, des attitudes, des élégances, mais aussi des livres et des auteurs. Ainsi Philippe Pascal et Philippe Pascale avouent que les lectures, comme celle de Charles Juliet, sont le point de départ de chansons et de bonheurs : " Tu poses des questions, tu tournes la page et il te répond. "

GUY DUTHEIL

 

Copyright : Le Monde, 1994