Critique de l'album Lumières et Trahisons
Lumières et trahisons

Virgin 70515

Deux ans après « Le Chant des Terres », des années-lumière après Marquis de Sade, Philippe Pascal et ses amis rennais continuent leur odyssée, en francs-tireurs du rock français. Insensibles aux pressions, indifférents à l'évolution de la plupart des groupes hexagonaux vers la formule bi-active Top 50, Marc Seberg poursuit sa quête d'un rock profond et lumineux, inédit. S'il y a aujourd'hui mille manières d'aborder la musique, et si la grande majorité des groupes des années quatre-vingt a délibérément choisi l'angle le plus fun (ce qui est loin d'être un drame !), Marc Seberg fait du rock une expression artistique grave et vitale, une attitude, une raison de vivre allant de pair avec une démarche précise (le vieux fantôme d'un rock dit européen ?) et une esthétique qui peut parfois paraître décalée. Ça fausse parfois un peu le discours à ras des pâquerettes du critique (allez parler d'un slow sur la face B !), mais c'est comme ça... « Lumières et Trahisons » s'inscrit dans le droit fil du « Chant des Terres », dans la continuité d'un rock ample et éthéré, dominé par des lyrics toujours très littéraires (on est loin de l'amour à la plage, et ça fait presque des vacances !). Pourtant, à mesure que le groupe mûrit et multiplie les expériences (tournée en Amérique Centrale et aux USA, etc...), un certain élargissement semble s'opérer. « Lumières et Trahisons » brille d'une énergie nouvelle, d'une force et d'une nervosité sans cesse soulignée par des tempos serrés ou quelques éclats de guitare, par une production superbe (John Leckie, l'artisan des premiers Simple Minds) et an travail vocal de Philippe Pascal bien plus achevé que par le passé. « Lumières et Trahisons », ni aguicheur ni hermétique, est un album d'équilibre et de maturité que « L'Amour aux Trousses », hymne à l'amour dévalant la Rue de Siam ou les quais de Sankt Pauli (et single appuyé d'un gros son et d'un remix baraqué !) symbolise et illustre à la perfection. Marc Seberg est le chaînon manquant, le genre de groupe indispensable. « Lumières et Trahisons » est sans doute leur meilleur disque. Ça serait râlant de le laisser passer. – P.B.

Copyright : Rock'n'Folk, 1987