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Depuis six ans, Philippe Pascal nous emmène avec Marc Seberg vers un univers qui n'appartient qu'à lui. Rock intello, Marc Seberg ? Peut-être... mais le rock doit-il se limiter à une bande d'adolescents boutonneux qui s'éclate sur une sono crade dans un garage ? C'est ce qui distingue encore beaucoup de productions françaises du groupe rennais. Rock intello, disais-je, si on veut; est-ce parce qu'on fait parfois référence au mouvement expressionniste de l'entre deux guerres et qu'on met en musique Recueillements de Baudelaire que l'on doit être classé comme tel ? Je vous laisse choisir. C'est précisément avec le poète français du dix-neuvième siècle que Marc Seberg a décidé de commencer son concert. De quoi se réjouir. Hélas, les amoureux du lyrisme du groupe durent être patients, ce soir-là : par trois fois, une sono défaillante faillit chavirer le spectacle. Néanmoins, après plus d'une demi-heure d'arrêt, le groupe nous rejoignit pour donner un concert à l'image de...Marc Seberg. Rien ne manquait à Bruxelles : un public fidèle dont une partie venue de France reprenait les hymnes de Philippe Pascal, un groupe heureux de s'exprimer dans une ville qui le passionne.

J'ai retenu principalement les compositions de Lumières Et Trahisons dont le formidable Fascination et des titres plus anciens comme Le Chant Des Terres et le bien connu L'Eclaircie dans une version particuliérement réussie. Seule ombre au tableau : un certain maniérisme scénique de..., devinez qui, parfois nuisible a la force des compositions, et un hommage assez prévisible aux Doors, en rappel.

Ritual : Marc Seberg = Philippe Pascal = Marquis de Sade. C'est le genre d'équation que font encore beaucoup de critiques rock depuis le split du groupe culte. Marc Seberg = Philippe Pascal ?
Je me souyiens de l'époque aù j'étais encore dans le public, nous confie Pascale Leberre la claviériste, et j'avais du mal à décoller mes yeux de lui. Dans tous les groupes, le chanteur a un contact plus direct avec les gens, c'est normal. Mais les autres membres de M.S. accrochent également par les regards et les sourires qui leur sont adressés. Et ils sont de plus en plus nombreux aux concerts, je trouve. De toute façon, la musique est le produit de tout le groupe.

R : Résolvons la deuxième partie de l'équation. Marc Seberg et Marquis de Sade ?
P : On l'a déjà dit cent fois, ce sera la dernière. Marquis de Sade a beaucoup influencé la musique en France. Mais il y a eu trois albums depuis et ça n'a plus rien à voir. Ce n'est pas la peine de s'éterniser sur le passé, on a autre chose à faire que ça...

R : Comment expliques-tu l'évolution depuis 83 à Lumières Et Trahisons ?
P : Je trouve que c'est une évolution naturelle. Si une discographie se borne à répéter tout le temps la même chose, ce n'est pas la peine de continuer. Je ne peux pas vraiment répondre autre chose à ta question...

R : J'ai l'impression que Bruxelles est très important pour vous ?
P : Absolument. Quand on est venu pour enregistrer Lumières et Trahisons, notre plus grand plaisir était le soir, après le studio, de déambuler dans les rues, de s'attarder dans les cafés... Cette ville est chargée d'une grande poésie.

R : Bruxelles est une ville européenne ? Marc Seberg est toujours européen ?
P : Oui, on l'a toujours déclaré. L'Europe aurait pu se faire beaucoup plus tôt. En 1992, il paraît que les barrières économiques vont tomber. Espérons que les gens suivent...

R : Vos textes sont en français sur le dernier album. Ce choix n'est-il pas un handicap pour le public européen anglo-saxon ?
P : Sur le premier album, on estimait que l'anglais étant la langue la plus véhiculée, on a fait un choix. Demain, pour se faire comprendre du public anglo-saxon, on peut imaginer écrire des chansons en anglais... Mais lors de notre tournée en Amérique du Sud et aux Etats Unis, où il n'y avait que des chansons en français, il était encore possible de communiquer par l'attitude scènique du groupe.

R : M.S. n'est-il pas un peu à part dans la scène rennaise ?
P : Qu'est-ce que tu entends par scène rennaise ?

R: Parlons de Daho, Niagara ?
P : Nous respections leur travail, ce sont des gens qu'on a connu à une certaine époque, mais M.S. n'est pas un groupe pop mais un groupe de rock. Quant à la scène rennaise actuelle, je ne vois même pas si elle existe. Il y a des petits groupes qui se produisent dans des clubs comme l'Ubu, mais c'est un peu tout. M.S. n'est pas intéressé par le Top 50.

R : Le groupe a participé dernièrement à l'émission de Patrick Poivre d'Arvor, le dimanche après-midi. Qu'est ce que ça te fait de passer dans une émission de grande écoute comme celle-là ?
P : Je trouve ça très bien. La seule chose que l'on puisse regretter, c'est que l'audio-visuel soit encore très compartimenté malgré les espoirs que l'on a pu avoir à une certaine époque : que les choses éclatent avec l'éclosion des labels et des radios libres par exemple. Nous, on a envie de jouer devant un maximum de gens différents.

R : Tu ne prends pas ça comme un compromis ?
P : Non, pas du tout; je crois qu'il y aurait compromis le jour où le groupe choisirait de changer sciemment d'image ou d'attitude pour plaire à un public.

R : Pour Le Chant Des Terres, il y avait un titre phare que tout le monde a retenu : Lumières Et Trahisons ?
P : Le problème dans Lumières Et Trahisons, c'est qu'il y avait plusieurs titres qui pouvaient être considérés comme titre "phare", d'où la difficulté du choix. Il y a des orientations différentes entre Jeux De Lumière, La Nef Des Fous, mais ce sont des titres qui ont chacun leur potentiel. De plus, les morceaux de Lumières et Trahisons sont très longs, d'où la nécessité de les réduire pour la version 45t; c'est ce qu'on a fait pour Jeux De Lumière.

R : Les textes de Lumières et Trahisons parlent beaucoup d'amour, c'est un sujet qui emballe le groupe ?
P : Tu connais quelque chose de plus beau et de plus important que ça, toi. Les problèmes que tu peux rencontrer dans la vie peuvent se résoudre, tandis que ça...

R : En France, dans deux mois se dérouleront des élections dont on parle beaucoup pour l'instant, quel sera le choix de Pascale Leberre ? Peut-on dire que Insecte est une chanson engagée politiquement ?
P : C'est curieux, beaucoup de gens me posent la question; il y a plusieurs interprétations possibles de la chanson, en fait. Je ne te donnerai pas la réponse (rires).

R : Et sur ton choix aux élections ?
P : Ca restera dans le secret de l'isoloir, mais tu peux avoir une petite idée en écoutant M.S.

Merci à Eric et à son copain.

Jean-Paul L'Hoest

Copyright : Ritual, 1988