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Philippe Pascal et "Quelque chose, noir"
Figure énigmatique du rock français qui alliait avec fascination un cynisme désespéré à un romantisme noir, Philippe Pascal n'est plus "Décembre" et "Quelque chose, noir" mais semble plutôt être teinté des couleurs de l'arc-en-ciel. L'enfant du Velvet, revu et corrigé par lui-même...

« Je suis romantique par accident. Dans « Quelque chose, noir » j'ai essayé de gommer ce tic. Les gens vont peut-être être déçus mais ce côté-là n'est pas moi, c'est quelque chose de vraiment involontaire. J'ai l'impression que quand j'écris, je suis en position d'infériorité; ça vient difficilement et j'ai besoin du regard des autres, d'une main tendue vers moi... Mais je ne suis pas du tout « fleur bleue ». « Quelque chose, noir » ce n'est ni plus ni moins qu'un bulletin météo. On peut voir ça comme on veut; mais il y a ma façon de le dire et c'est sûr que je m'arrange toujours pour que ça fasse un peu désespéré. Il a fallu sept ans de réflexion pour arriver à cet album, c'est plus une collection de chansons qu'un concept comme l'était « Lumières et trahisons » avec ses couleurs, ses nuances. Là, c'est un album qui part dans tous les sens ; éclaté... mais, c'est bien aussi de changer un peu de monde. »

Le choix des thèmes de ces chansons ?
« Une chanson, «Le blues du serpent », est inspirée d'un bluesman des années 30 qui se baladait entre Memphis, la nouvelle Orléans et le delta de la rivière Yazoo. « Kong long » et « Quelque chose, noir » sont un peu plus sociales, politiques. »

Elles m'ont rappelé les événements d'actuafité, c'est voulu non ?
« Ça a été écrit un peu en réaction aux événements de Pékin après cette formidable bouffée d'espoir et le retour du bâton. J'ai eu envie d'écrire des trucs un peu sociaux avec mes mots à moi et ma façon de dire. C'est difficile de s'impliquer, ce n'est pas vraiment mon truc les chansons à message, mais j.avais envie de faire ça. C'est tellement insupportable... Puis il ya aussi une chanson un peu décadente sur les amours enlacés et en lacets. Et puis dans l'album se cachent aussi quelques petites plaisanteries... En fait, j'ai l'impression que c'est un concentré de tout ce qu'on avait toujours voulu dire musicalement et au point de vue textes, mais peut-être n'étions-nous pas assez murs jusqu'à présent. Nous sommes assez fier de cet album... J'ai même payé mon tribut à la Bretagne avec un refrain en Gaellique... »

Elle est toujours présente en toi la Bretagne ?
« C'est vraiment une terre magique, une terre ensorcelée et pour nous l'enchanteur Merlin dort toujours à Valmorgis... »

Et le folk-rock des années 70 ?
« Dans la démarche je trouvais ça très bien mais insupportable à écouter. Ça m'a plutôt touché par réaction. Est-ce la vision de la Bretagne réelle ou fantasmée ? Enfin, on sent tous notre Bretagne différemment. »

Marc Seberg dans la scène rock actuelle ?
« En France, j'ai l'impression qu'on est un peu à part de tout ce qui se passe. Mais ce qui est bien, c'est qu'il y a une grande diversité, ça bouge beaucoup en province ; le rock est arrivé à une espèce de maturité musicale qu'il n'avait pas. Avant c'était une adaptation française de ce qui se passait dans les pays anglo-saxons. Maintenant c'est tout autre chose. »

Sortie donc d'un grand album et également du song-book de Marc Seberg « Lignes de fuite » qui regroupe les quatre albums et de nombreux écrits et photos. Beaucoup de dates de concerts... et si 90 était l'année Marc Seberg ? Pour la petite histoire, Philippe Pascal écoute Nick Cave, The The et Lou Reed, mais ça, c'est les amours... Quant au coup de foudre littéraire c'est, primo Levi et les Neurones romantiques américains (science-fiction). En peinture, il y a dix ans il aimait beaucoup les symbolistes (Kokochka et Munch), mais maintenant il se tourne vers les graveurs parisiens du siècle dernier...
« Les goûts changent la trentaie est un cap... bizarre.»

Alain Connangle

Copyright : Sur la même longueur d'ondes, 1990