Marquis de Sade: Eurovisions

Oui, une sensation bizarre. Je sais pas. Quand j'ai rencontré MdS, je me suis fait l'impression d'être un intrus. C'est ça, un intrus. Ils étaient assis autour d'une table, comme ça, tous les cinq. Et ils étaient complices. Forts avec leur timidité, forts de cette espèce de magnétisme qui émanent de leurs personnes. Mais comment dire ? Pas de chacun d'eux. De tous les cinq réunis. C'est le genre de choses que l'on rencontre rarement. MdS est plus qu'un groupe. C'est un clan. Je veux dire, ils ne se ressemblent pas, pas de signes extérieurs calculés précisément sur un modèle. Mais tous les cinq avec leurs différences, projettent une image, un état d'esprit, une spécificité qui font la différence. Comme un code, unique et cohérent, qui leur sert de lien.

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Best : C'est un parti pris que d'écrire en anglais ?
MdS : Oui, c'est pratique. Mais pas du tout définitif. C'est une première étape. Le premier disque. L'anglais pour un français, c'est un langage codé, un langage simple. Un mot anglais pour moi, ça n'a qu'une signification. Alors que le français, c'est tellement compliqué. Ca fait partie de mon vécu. J'ai l'impression de toucher un peu plus à l'universalité en chantant en anglais pour un public français. Je pense que les français peuvent avoir une vision beaucoup plus commune d'un terme anglais que d'un terme français parce qu'à la limite c'est un langage mathématique. C'est une question de pudeur aussi, je ne suis pas près à chanter en français. Depuis huit ans, j'entends le rock chanté en anglais. C'est un effort pour moi de chanter en français. En répétition, j'ai tout de suite des mots anglais qui me viennent. Mais bon, on chante un morceau en français et en allemand aussi.

Best : Au niveau des images, des textes, des influences, êtes-vous marqués par un passé culturel français malgré tout ?
MdS : Oui, bien sûr. Mais c'est plus profond que ça. C'est une influence continentale. L'Allemagne, les pays de l'Est. Tous les parisiens vont enregistrer à New York, nous, on aimerait enregistrer à Munich. On a des rêves comme ça. On a même poussé le vice à enregistrer à Rennes. Si tu veux, il y a un rapport au point de vue individu, une espèce de parallèle entre l'Europe de l'Est et la condition que peut vivre un type comme le chanteur de Marquis de Sade. Ce qui veut dire dans les textes. Je parle beaucoup de gens qui se trouvent dans des situations où ils sont obligés de se fermer sur eux-mêmes, de se couper d'une partie du monde. Il y a un parallèle complètement évident entre une ville grise de l'Europe et la vie que nous pouvons mener à Rennes, ou n'importe où en France. Au point de vue émotion, de vie interne. Le groupe d'usine, du samedi soir, c'est quelque chose qu'on n'a pas connu, on parle avec nos références. On a une culture européenne en marge. Bien sûr les pays de l'Est, on n'a pas vécu non plus mais c'est la même approche que l'on veut avoir de New York en habitant Paris. L'Europe de l'Est, c'est peut-être nous quand on est seul dans une chambre. Mais c'est un peu simpliste comme explication. En-dehors du rock, si on aime certaines choses comme la musique classique, on ne peut évidemment pas se tourner vers les USA pour trouver quelque chose de ressemblant. Et puis, au point de vue des images, des couleurs, il y a des images tellement fortes, des gris tellement beaux. C'est une réalité que l'on a réellement l'impression de vivre. On a aussi une fascination pour le cinéma allemand. Ca n'a rien à voir avec l'imagerie Nazie. Les gens qui nous percevront comme ça, on ne les aurait pas intéressé de toute façon. Mais tout ça, c'est encore une histoire de parallèle. On aurait pu s'intéresser au cinéma italien mais ça ne nous correspond pas. Les ports, ça nous colle complètement à la peau. Ce sont des images: des lumières oranges qui donnent un aspect de viande avariée, les fumées, les terrils de soufre, tout blanc. C'est ça les ports, une atmosphère moite. C'est tellement oppressant. Nos références ne sont pas seulement musicales. Ca fonctionne par images, tout un contexte d'environnement, les choses avec lesquelles on a grandi.

Best : Et la ville ?
MdS : La ville froide. Une ville sans vie. On en parle. En Europe, en fait, on vit toujours au 19ième Siècle. C'est toujours la ville du 19ième siècle plaqué à une réalité de 1979. On réagit toujours en fonction, on a des émotions 19ième siècle en 1979. On peut réécrire des choses qui l'ont été il y a cent ans. C'est un peu ça l'Europe. Mais la musique de MdS, n'est pas du tout une musique intellectuelle. Elle véhicule des émotions qui peuvent être perçues sans passer par les textes. Je n'écris pas des textes pour faire de la poésie. Les mots existent en fonction de la musique, isolés ça ne veut rien dire. Donc que ce soit en anglais ou en français, ça n'a aucune importance. En fait, je trouve que c'est bien qu'il n'y ait pas une compréhension directe du texte parce que ça nuit à la musique. Le réflexe classique avec un groupe français, c'est d'écouter les paroles et ça se fait toujours au détriment de la musique. MdS, c'est un bloc. C'est la mélodie de la voix, les mots que l'on peut percevoir comme ça et la musique. On a des morceaux d'atmosphère. Pas de message. Des textes décor. On plante un décor et on prête à rêver. C'est un point de départ, les gens peuvent broder ensuite même si pour nous, ils ont un sens unique.

Bill Schmock

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