Marc Seberg, une certaine idée de la musique qui brise les frontières de l'hexagone, ,synthèse d'influences européennes modernes - de l'Ecole de Vienne à la chanson Réaliste - et héritage d'une culture anglo-saxonne parfois pesante mais bien présente...
Un album d'abord, sorti au cours du premier trimestre, une tournée d'une dizaine de villes dans la foulée, comme une série de naissances qui permettent au groupe de s'épanouir progressivement au point que plus personne ne doute d'une réelle explosion - pas si lointaine que ça - où Marc Seberg, en pleine possession de ses moyens,
sera sur scène l'égal des plus grands... M.S., c'est aussi une certaine image de l'ombre mise en avant par les médias, ombre que Philippe Pascal s'emploie ici à éclairer juste à la fin d'un commencement qui semble faire l'unanimité...
"Nous avons fait une dizaine de dates avec une moyenne de six cents personnes par concert et ça s'est plutôt bien passé. Certaines villes nous ont même très bien accueillis - je pense à Rennes et à Paris - et le disque démarre. Désolé de ne pas être plus mégalo-mythomane en prétendant que " Ouais, ça marche vraiment super et tout et
tout ", mais nous ne pouvons pas nous plaindre non plus. Le seul problème vient du fait que notre musique n'est pas tout à lait dans l'air du temps et je crois qu'il va falloir attendre la rentrée pour savoir si le disque se vend bien. Nous avons signé avec l'Allemagne, le Bénélux, un maxi va sortir en Angleterre et l'Italie suivra dès que nous y ferons une tournée... "
Bon accueil du public, bonnes chroniques de l'album, Marc Seberg a-t-il de la chance ?
" Je ne voudrais pas a voir l'air trop prétentieux mais la chance ça se mérite, non ? J'ai commencé Marquis de Sade il y a quatre ans et je ne gagne toujours pas une tune - mon propos n'est pas là - et je continuerai tant qu'on me donnera les moyens de faire des disques... "
Tu ne vis pas de la musique ?
" Disons que ce que je gagne me permet juste d'éviter d'avoir à faire autre chose pour survivre... "
Reste-t-il encore des choses à dire sur Marquis de Sade ?
" Je pense que tout a été dit. On a un peu dramatisé la dissolution du
groupe qu'on a voulu réduire à des problèmes d'ego entre Franck Darcel et moi, alors qu'il ne s'agissait que de questions musicales La fin de M.D.S. a été un suicide, nous nous sommes séparés par honnêteté, parce que nous n'avions plus rien à faire ensemble. Notre deuxième album était déjà un disque de trop. Et nous sommes tous pratiquement repartis de zéro. "
Comment ça fait de repartir de zéro ?
" Tu sais, nous n'étions pas arrivés très haut ! Et puis c'est excitant de tout recommencer, d'oublier un peu le passé. Je crois que ça a été une bonne chose pour tout le monde... "
Tu continues à chanter en français et en anglais, est-ce une volonté d'ouverture internationale ?
" Marc Seberg n'a pas cette prétention-là pour le moment. Mais j'aime bien le mystère, et si les textes français ne sont pas vraiment mis en avant sur l'album, c'est aussi parce que j'aime bien la non-communication comme forme de communication. Ça peut paraître un peu vicieux mais je préfère que les gens fassent l'effort de venir au groupe en essayant de savoir ce qu'il veut dire. Pour en revenir au problème de l'anglais, c'est également parce que j'ai du mal à me défaire de cette espèce de colonisation du rock anglo-saxon que nous subissons depuis des années... Tu remarqueras quand même qu'au fur et à mesure des albums, il y a de plus en plus de morceaux en français,., "
Vous avez choisi Steve Hillage pour réaliser l'album...
" Marc Seberg se dirigeait au départ vers des gens comme Holger Czukay ou Conrad Plank mais, pour des raisons de politique de maison de disques et pour des raisons économiques - t'as vu le cours du Mark ? - nous avons préféré nous rabattre sur quelqu'un de plus neutre, comme Steve, qui a un long passé français et européen. Nous sommes très satisfaits du travail qu'il a lait sur le groupe car il s'est uniquement intéressé au son et n'a rien changé à la structure des morceaux ou aux arrangements, contrairement à un boulot plus en profondeur qu'il a réalisé sur Simple Minds, à l'époque de " Sons And Fascination ". Notre budget était limité et nous sommes allés très vite. Je pense qu'il a parfaitement réussi à restituer l'atmosphère du seul concert de Marc Seberg qu'il ait vu, au Plan K, en décembre 1982. Il faut dire aussi, qu'il souhaitait s'occuper de nous depuis longtemps et avait même réussi à faire distribuer MdS en Angleterre, juste au moment où nous avons décidé d'arrêter ! Pour
moi, un producteur doit savoir pratiquer l'art de faire accoucher les gens et, le groupe étant assez récent, j'aime bien avoir l'avis de quelqu'un d'extérieur. C'est le rôle que Steve a rempli en y ajoutant sa connaissance du son et du travail en studio. L'album sonne un peu brut mais c'est exactement ce que nous voulions... "
Et le nom du groupe (pour la xième fois) ?
" Au départ, un gag pour se moquer d'un journaliste de Best qui était venu faire un papier sur Rennes. Anzia et moi faisions encore partie de MdS. et nous avons décidé de monter un groupe de toute pièce pour voir jusqu'où ça irait ! Le canular a pris, nous avons eu un papier et gardé le nom ! "
Vous parlez souvent de " Musique Européenne "...
" Parce que l'Europe est une entité, je peux aller à pied jusqu'en Pologne mais pas en Angleterre ni aux Etats-Unis ! Ce sont les influences que nous partageons avec Simple Minds, notre jeunesse des années 75/76, les groupes comme Can, Neu et, dans une moindre mesure, Faust. L'Ecole de Vienne et la chanson réaliste des années trente ou quarante représentent pour moi la musique urbaine de l'Europe, une musique vers laquelle je me tourne volontiers parce que j'ai toujours été élevé en ville et que j'ai du mal à comprendre le folk ou la musique bretonne. C'est rien de plus que ca. "
Autour de Marc Seberg se développe une idée de tristesse, presque de désespoir, je n'ai pourtant pas l'impression que ça te ressemble...
" Je ne cultive pas du tout ce rôle- là. Les critiques me font rire. Par essence, le rock est une musique de frustration, de rébellion, ce n'est pas la musique de la joie de vivre. Cela dit, je n'ai pas grand-chose à répondre sur ce personnage triste, à la limite du constipé, que certains médias ont voulu faire de moi. Je suis heureux de vivre et j'ai toujours cru au côté spectacle des choses, à l'entertainment. Nous ne sommes pas là pour emmerder les gens mais qu'on nous laisse la parole et qu'on nous laisse faire ce qu'on a envie de faire ! Je n'oblige personne à écouter ma musique ; Marc Seberg, au départ, c'est un ego trip. Nous le faisons pour nous et nous parlons de nous et de notre entourage. Je m'interdirais de dire à qui que ce soit ce qu'il a à faire. Je ne suis pas un chanteur à message, nous ne faisons pas du rock social... "
J.-M.R.
Copyright : Best, 1983