L'éclaircie

Quasi pas vu depuis un an, MS. Concerts rares et épars après la tournée de 83, infos vagues et présence médiatique discrète à part cette fameuse "Eclaircie" clipée - plutôt bien - par l'équipe de Rockorico. Rien avant, rien après. Rien que de longues phrases de silence. Doute: allait quand même pas craquer après le magnifique premier Lp sorti il y a deux ans, hein ?!
Et puis voici venir "Le chant des terres", second opus, plus beau encore que le précédent. Plus mûr of course et même serein (presque). Avec quelques surprises. Si la rythmique reste mordante et souvent agressive, le son d'ensemble est bien plus ample, renforcé désormais par les claviers de Pascale Le Berre - membre du groupe à part entière- qui excelle au piano et se sert des synthés avec tact. Et s'il reste un titre en anglais ("Don't fail me"), tous les autres sont en français, aux textes -ah les textes !- superbement écrits/interprétés. Notez bien qu'il vaut mieux quand on décide de mettre Baudelaire en musique ("Recueillement").

Avec "Le chant des terres", MS sort de l'ombre, soulève un coin de voile. S'épanouit en quelque sorte. Incantatoire toujours mais magique aussi (ce refrain dans "Les ailes de verre" !). Le groupe - semble-t-il plus uni que jamais - persiste et signe un album plus qu'original. Vivant. Organique. Où la plénitude harmonique côtoie les déchirures de guitares, où l'émotion l'emporte sur l'excessive dramatisation qui lui fut parfois reprochée. Long silence ? Qui s'en plaindrait car c'est clair, MS fait partie des artistes qui interviennent seulement quand ils ont quelque chose à dire...

Marc Seberg : - Nous aurions certainement pu donner plus de concerts mais nous avons préféré travailler. Et puis, avec l'arrivée de Pascale aux claviers, il a fallu redéfinir les rôles au sein du groupe, chercher une nouvelle dimension sonore. Une fois les maquettes de l'album terminées, nous avons pris notre temps pour trouver le producteur idéal...

- Comment avez-vous déniché Nick Patrick?
MS : - En Angleterre. Au départ, nous avons proposé une liste de noms à notre maison de disques mais nous nous sommes aperçu qu'ils faut s'y prendre très à l'avance car beaucoup de producteurs sont "bookés" pour des mois et beaucoup d'autres sont -hélas- trop chers.

- Sur la liste, y'avait qui ?
MS : - Nigel Gray, Peter Walsh, Conny Plank, Tony Visconti. Avec certains d'entre eux, ça a failli se faire...Mais nous sommes vraiment heureux du travail de Nick Patrick. C'est un ingénieur du son excellent, jeune et très électrique puisqu'il a bossé avec des gens aussi différents que Blue Rondo A La Turk, Catherine Deneuve ou Marvin Gaye. Il a fait exactement ce que nous voulions...

- Contents de l'album ?
MS : -(D'une seule voix) Oui !

- Pourquoi avoir choisi de chanter presque tout en français cette fois ?
MS : - C'est la question à cent balles ça ! D'autant plus que si tout avait été en anglais tu nous aurais demandé pourquoi, non ?. a force de tourner, nous nous sommes aperçu que chanter en anglais empêchait le contact avec le public par manque de compréhension directe...
(Philippe Pascal)...Je me suis rendu compte que l'anglais c'était facile mais c'était se cacher derrière des mots. J'ai donc pris mon courage à deux mains et me suis imposé de chanter en français.

- Comment un groupe peut-il survivre un an sans tourner quant il ne vend pas des centaines de milliers de disques ?
MS : - Nous avons fait quelques concerts, mais c'est vrai que quand tu passes un an à répéter, tu n'as pas beaucoup de blé. Ceci dit, attention au côté misérabiliste dur rock français ! Nous n'avons jamais ramé ! Jamais, jamais, jamais ! On ne roule peut-être pas sur l'or mais on sait pourquoi on vit, pourquoi on travaille et on fait de la musique...

- Cette année vous ouvrez le Printemps de Bourges avec, je crois, un spectacle un peu particulier...
MS : - C'est un spectacle qui rentre dans le cadre de l'opération "Coup de talent dans l'Hexagone", financé en partie par le Ministère de la Culture et un certain nombre de théâtres régionaux. La mise en scène est de Peter Chatel, in allemand qui a monté "Bent" à Chaillot...

- Que peut vous apporter un metteur en scène ?
MS : - La possibilité d'être vus par un autre regard. Quand tu es sur une scène, tu ne sais pas comment tu te comportes, tu n'analyses pas tes gestes sur le moment. Pour nous, travailler avec Chatel, c'est l'occasion inespérée d'être dirigés avec notre accord. L'idée est de sortir de la routine du concert de rock sans toutefois aller trop loin dans le théâtre. Nous commençons juste à répéter. Disons que ce sera l'univers de deux albums de Marc Seberg. Nous ferons quatre concerts avant celui de Bourges et nous tournerons peut-être ce spectacle après...

- D'autres projets ?
MS : - Tourner une vidéo, jouer dans un théâtre parisien, faire - peut-être - quelques dates aux Etats-Unis...Mais nous avions déjà tellement de projets après le premier album.

- Dans votre "retraite" de 1984, qu'avez-vous écouté ?
MS : -"Le Messie" de Marc-Antoine Charpentier. C'est magnifique, c'est l'événement musical de l'année ! Prince aussi et "Bad Life" de Johnny (Rotten) Lydon. Et puis le groupe End of Data de Rennes. Leur premier album est passé un peu inaperçu mais celui qu'ils sont en train de terminer va être super !

- L'ambition de Marc Seberg ?
MS : -(Regards vers le journaliste qui se sent soudain martien...Long silence...)...L'ambition ? Que le disque puisse réconforter les gens. Vraiment...vraiment...

PS : Depuis cette interview, Marc Seberg a renoncé à travailler avec Peter Chatel et a demandé à Hervé Lelardoux (Directeur du Théâtre de L'Arpenteur) d'assurer la mise en scène du spectacle.

Copyright : Best, 1985