En attendant, n°36
Critique de l'album Rue de Siam
Rue de Siam

On avait de sérieuses raisons de l'attendre au rebond ce groupe homonyme du divin marquis qui voulait « refuser tous les poncifs qui font des groupes de rock des subversifs en carton-pâte ». C'est du moins ce qu'ils déclaraient il n'y a guère. Tiens ! Un groupe qui tente de prouver qu’il est possible de donner un « pouvoir idéologique » au rock (ce qui me paraît plutôt casse-gueule) sans tomber dans le militantisme désuet des nouveaux punks ou de la révolte-du-thé-de-Clash. Diable ! On verra bien... A lire le titre du second album de MdS, (Rue de Siam, rue nocturne de Brest) il semble qu’ils connaissent les Prospérités du vice plutôt que les Infortunes de la vertu. Trêve de plaisanteries lourdingues, ce disque est foudroyant. La voilà la voix de Philippe Pascal : un cocktail de mépris, d'appels au secours, de déréliction, de haine, d’amour et d'abandon. La guitare de Frank Darcel : un jeu passionnant qui allie la rigueur de More songs about… à la limpidité de Seventeen seconds. Les deux saxes jouent tantôt en soutien harmonique (façon Andy Mc Kay) ponctué de rapides interventions, tantôt en duos frénétiques.

Commencez par Silent World, Back to cruelty et Cancer and drugs, le reste du plat suivra. Restent les textes. Nous dirons donc qu'ils sont noirs, ultimes, ulcérés, magnifiques, que leur cohésion avec la musique est stupéfiante et que je n’y puis rien si tous ces qualificatifs sont parfaitement éculés. Et c'est en anglais pour ceux que ça travaille.

Le rock français fait beaucoup (trop ?) parler de lui ces temps-ci. Bien sûr, 99,99% de tous ces groupes ne valent pas un clou. Faites preuve de discernement, ne rangez pas Marquis de Sade, Taxi-Girl, Elli-Jacno, Bijou avec les autres. Ils valent mieux que ça.

Le rock de MdS attend votre bon vouloir. Ce que le groupe a perdu en racines, il l'a réinvesti dans la moins vaine des expérimentations. Celle qui fait reculer sans fin les frontières de ce bon vieux rock’n’roll. Celui-là finira bien par tout assimiler. Même vous, vous passerez à la casserole En attendant, le rock vient de l’Ouest.

Album Pathé Marconi – 10 plages – Produit par Steve Nye.
Alain Jennotte

Copyright : En attendant, 1981