"Marc Seberg, c'est fini"
Philippe Pascal continue en solitaire
Le groupe rennais Marc Seberg n'existe plus. Philippe Pascal, son chanteur, choisit de l'annoncer officiellement au moment où il se lance dans une carrière solo. Tourné vers de nouveaux horizons, il livre ses espoirs. Début d'une nouvelle aventure mais aussi fin d'une époque pour Rennes et toute une génération.
1979...Onze ans déjà. Cinq jeunes gens aux joues creuses et costumes sombres livrent un curieux manifeste "Dantzig Twist". Les rock-critics parisiens et des journaux branchés comme "Actuel" s'emparent du phénomène. Le groupe "Marquis de Sade" et son sombre et taciturne chanteur, Philippe Pascal, deviennent leur coqueluche. Un mythe est né.
Douze ans après...Marquis de Sade, devenu Marc Seberg (en 1981 !), annonce officiellement ses funérailles. "C'est fini", lâche, laconique, Philippe Pascal. "Faire partie d'un groupe, ça rend prisonnier". Il insiste le bougre: "avec un groupe, on se retrouve prisonnier de ses beaux rêves". Les années 80 sont vraiment finies...
L'influence du Marquis
..."Rêver". Le maître-mot de toute une bande de jeunes rennais à la fin des années soixante-dix. Ils s'appelaient Hervé Bordier, Stéphane Plassier, Etienne Daho, Philippe Herpin, Daniel Paboeuf, Franck Darcel, Christian Dargelos, Philippe Pascal...A "L'Epée", un bar de la rue Vasselot, ils bâtissaient le futur. "Je serai chanteur" disait l'un. "Je serai couturier" assurait l'autre. "J'organiserai des concerts" promettait Bordier. "Et nous on jouera" claironnaient les musicos.
Force de jeunesse et foi dans la vie, ils sont allés au bout de leurs rêves. Mais l'auraient-ils fait sans la présence du "Marquis de Sade" ?. Sa musique et (il faut le dire, quitte à le faire rougir) la personnalité de son chanteur ont braqué les projecteurs sur la capitale bretonne. D'un seul coup, au début des années 80, toute une génération de journalistes et de responsables de maison de disques s'est extasiée de découvrir, cachées dans les ruelles pavées et humides, une multitude de musiciens rennais déterminés et originaux. De quoi vous coller sur le dos - et pour plusieurs années - l'image d'une ville rock. Mais qui s'en plaindrait ? Sûrement pas Edmond Hervé et sa majorité socialiste...
Ce n'est pas une mort
"Rêver". Nous sommes plusieurs à avoir souvent espéré que Philippe Pascal et son groupe puisse atteindre une dimension plus importante, à l'image du groupe écossais "Simple Minds" par exemple. Cette reconnaissance internationale n'a pas été au rendez-vous. "Cela ne nous a pas empêché d'aller jouer à Berlin, à New York et dans toute l'Amérique centrale". Philippe Pascal ne regrette rien. "Avec "Marc Seberg", nous avons fait quatre albums mais, au bout du compte, l'image que nous donnions devenait un peu trop lourde à porter. La seule manière de la briser, c'était de casser le groupe".
Libéré (?) il entend maintenant regarder vers de nouveaux horizons. "Il va y avoir une suite ou des suites. Ce n'est pas une mort" précise-t-il. Dans quelques jours, il va retourner au Maroc où, à la fin 90, il a noué des contacts avec "des gens nouveaux".
Toujours secret, derrière les verres de ses lunettes noires, il ne veut pas montrer la vidéo réalisée lors de son premier passage sur scène à Casablanca... devant 5000 personnes. "On était huit sur scène, dont Alain Manneval (ancien animateur rock d'Europe 1) comme choriste. Nous avons fait des morceaux de notre cru et une reprise de "The cross" de Prince".
Bientôt au cinéma
Et maintenant ? "Aujourd'hui, je me sens davantage disponible qu'avant. Je redécouvre une liberté d'action. Je n'ai plus peur de casser le matin ce que j'ai construit la veille". Alors, pourquoi pas, d'ici quelques mois, un album solo (chez Virgin qui lui garde sa confiance) ?
A moins que le cinéma ne l'accapare. Des propositions lui ont été faites. Pour faire l'acteur ou signer la bande sonore ? Philippe reste volontairement mystérieux. "De nouvelles expériences, de nouvelles aventures: c'est ce qui m'a toujours motivé". Jim Morisson, le chanteur des Doors (dont on parle beaucoup en ce moment), ne disait pas autre chose.
Yvon Lechevestrier
Copyright : Ouest-France, 1991