Critique de l'album Le chant des terres
Virgin 70350
Philippe Pascal et Marc Seberg sortent du tunnel noir de leur premier album, au terme d'un voyage au bout de la nuit, avec un disque lumineux et exaltant, « Le Chant des Terres » (d'éther ? Malher ?). Serait-ce enfin le signe d'une tentation de la gaieté ? Le temps de la décrispation ? Un nouvel état de grâce ? Du coup, on a presque envie de parler enfin d'un rock continental... N'anticipons pas.
« Le Chant des Terres » marque un formidable bond en avant dans l'évolution de ce groupe rennais. Un tournant important pour Philippe Pascal et ses compagnons. Un virage décisif: entre les deux étapes d'une carrière déjà longue (où l'ombre de Marquis de Sade se profile encore souvent), Philippe Pascal et Marc Seberg semblent avoir revu leurs positions, sans pour autant se résigner à tomber dans la facilité (au contraire), semblent avoir abandonné les climats les plus ténébreux pour un rock sensiblement plus coloré, plus aéré. Pour une musique moins hermétique, plus accessible et directe, plus dense que jamais. Dés le premier titre, « L'Eclaircie », le changement paraît radical : ligne claire d'un synthé (le groupe s'est enrichi de claviers... comme on ouvre des rideaux), guitare acérée, rythmique nerveuse... La voix grave de Philippe Pascal s'enroule sur une mélodie entraînante, dynamique, aux antipodes des ambiances dépressives et du trip Joy Division du premier album. Le (nouveau) ton est donné.
L'aube se lève. Compositions sophistiquées, rebondissant sur de profondes ruptures ou glissant sur quelque pont adroit (« E. Rope », construit comme un cutting, ou « Don't Fail Me », le seul titre en anglais... une innovation !), rock épais, linéaire, hanté d'un piano brillant ou d'une guitare plaintive (« Recueillement », sur des lyrics de... Baudelaire), crescendo glorieux et lyrisme débridé sur fond de guitare acoustique (« Si J'avais su te Dire »), « Le Chant des Terres » brille d'un bout à l'autre par ses éclairages subtils et raffinés, ses demi-teintes et ses contrastes, son énergie et sa RARE beauté.
Pour finir, si j'osais, je vous avouerais que ce disque fait partie des rares sélectionnés que j'ai envie de passer et de repasser sur ma platine, par les temps qui courent... Mais, je sais, c'est pas un argument ! - PHILIPPE BLANCHET.
Copyright : Rock'n'Folk, 1985