Marc Seberg
Trois albums, des dizaines de concerts : Marc Seberg affine son art en marge des modes et des clichés du show biz. " Lumières et Trahisons " prouve que sa musique n'est pas réservée à un noyau de fans, fidèles mais trop limités. Après tout, les Rita aussi ont commencé petits. Et de toute façon, ce noyau grandit à travers le monde, partout où ils sont allés jouer. " Rock & Folk " vous fait profiter du voyage. Prêts ? Embarquez.
BRUXELLES
Pascale Le Berre - Nous y avons passé un mois pour enregistrer " Lumières et Trahisons " au studio I.C.P. Pendant qu'une partie du groupe travaillait, l'autre pouvait se balader dans les rues de la ville. C'était une grande bouffée d'air…
Philippe Pascal - Pour moi, c'est un peu La Mecque. Si dans mes fantasmes de rock européen, il y avait une capitale, ce serait Bruxelles. C'était aussi un plaisir de retrouver le Plan K, où nous avions déjà joué, tout comme Pere Ubu, Joy Division, Mécano, Tuxedomoon et tant d'autres. Nous avons été sensibles à la convivialité belge, ce qui nous a permis d'aborder le disque d'une façon plus décontractée.
BERLIN
P.P. - Nous y avons joué il y a deux ans dans un festival de poètes du rock français ! Il y avait Lara, Higelin, Lavilliers, Sapho, enfin tout, sauf du rock. Peut-être des poètes, mais bien cachés. C'était dans un fabuleux théâtre, un des rares monuments intacts de Berlin. C'est à la fois la vitrine de l'Occident et le trou du cul du monde. Il n'y avait que des fils de militaires français au concert. Alors on a voulu jouer dans les squatts dont Theo Hakola nous avait parlé, mais il n'y en avait plus. Nous avons dû nous contenter des baise-mains mondains et des présentations avec le général en chef des troupes d'occupation françaises ! Alors que notre rêve serait de prendre le train jusque Moscou, de jouer dans les pays de l'Est. C'est possible, Siouxie et les Banshees ont joué en Pologne. Nous sommes prêts à y aller gratuitement, avec un stock de K7 et de blue-jeans à échanger.
LONDRES
P.L. - Nous n'y avons jamais rien fait si ce n'est emprunter un de leurs nombreux producteurs, John Leckie (XTC, Magazine, Woodentops, Simple Minds…) qui y a fait la dernière bonne gravure.
P.P. - J'y suis allé une fois pour l'enregistrement des voix et le mixage de " Rue de Siam ". Je n'en ai pas un bon souvenir. L'Angleterre ne m'a jamais intéressé. L'architecture londonienne est moche. Je me souviens juste d'une nuit, dans un quartier ouest de Londres où jouait Throbbing Gristle. Je devais être en panne d'inspiration et je m'étais mis dans la tête d'aller chercher une affiche d'un concert-happening de ce groupe. Dans ce quartier, en décembre, avec un vent glacial, j'ai retrouvé l'ambiance des ports du nord, c'était Mack the Knife, " L'Opéra de Quat'Sous ", la seul chose qui m'ait marqué à Londres.
MEXICO
P.L. - C'est la pollution de l'air, un immense nuage sur la ville. Plus de la moitié du groupe est tombé malade !
P.P. - Nous avons joué dans quatre autres villes du Mexique devant un public qui souvent n'avait jamais vu un groupe de rock. C'était une découverte autant pour eux que pour nous. Les filles criaient, sautaient sur scène en criant " Je t'aime ", les garçons aussi, et après le concert, on passait des heures entières à signer des autographes…
SAN PEDRO SULA (HONDURAS)
P.P. - Nous avons fait un concert pour les riches et un concert pour les pauvres, gratuit, en plein dimanche après-midi sous un soleil de plomb. C'est là qu'on a vu pour la première fois la police en action. Les gens étaient montés sur la scène pour nous voir de près. On n'avait plus de place pour s'installer et les flics ont chargé. Nous ne savions pas s'il fallait jouer ou non. Mais nous nous sommes dit que si nous ne jouions pas, c'est sur nous qu'ils allaient taper. Et les gens ont tellement l'habitude de se faire tabasser qu'ils n'étaient même pas choqués. Ils préféraient ne pas réagir pour ne pas se faire taper dessus encore plus fort. Nous aurions aussi aimé jouer à Managua, au Nicaragua. Mais le gouvernement sandiniste ne nous a pas donné son accord. Pourtant, ce n'est pas parce que nous avons joué au Honduras que nous somme vendus à Reagan !
NEW YORK
P.P. - Nous avons joué au Dancetaria. Le Max's Kansas City a fermé et le CBGB est introuvable. J'avais très peur que les américains se moquent de mon anglais, mais pas du tout. On a même fait des radios et des télés par câble. Ce fut une grande révélation pour eux de découvrir qu'il y avait du rock en France. Et pour tous les petits Français de New York. Il y en a plein dans la restauration surtout des Bretons très heureux de montrer à leurs copains qu'on est aussi capable de faire quelque chose. On fantasme sur les Etats-Unis, mais ce qui se passe en France est plus intéressant. Les artistes américains subissent la dictature des FM et ceux qui sortent du moule, comme Tom Verlaine, ont dû se réfugier à Londres ou à Paris.
PONTIAC
P.P. - C'est un bled paumé de la banlieue de Detroit. Nous y sommes tombés sur un fan de Marquis de Sade qui n'en revenait pas de nous voir débarquer dans sa ville. Ce fut l'hallucination et le plus beau jour de sa vie !
Kevin Kratz.
Copyright : Rock'n'Folk, 1987