Rock Sound, n°9, décembre 1993
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EN 1990 MARC SEBERG S'ETEINT ET LIVRE SON DERNIER SOUFFLE SANS DOULEUR NI REGRET. DEJA, "LE BOUT DES NERFS", DERNIER ALBUM ACCOUCHÉ SANS CONVICTION PAR JOHN LECKIE N'AVAIT PLUS VRAIMENT SA PLACE ICI-BAS. TROIS ANS NOUS SÉPARENT DE CETTE ÉPITAPHE. PHILIPPE PASCAL ET PASCALE LE SERRE AURAIENT PU EN RESTER LÀ. MAIS L'IDÉE DE VIEILLIR SUR L'ACQUIS PARFOIS RIGIDE DE MARC SEBERG NE LES ENCHANTAIENT GUÈRE. IVRES D'ENVIES NOUVELLES, DE SONS ORGANIQUES ET DE REMCONTRES FÉCONDES, ILS S'APPRÊTENT À LIVRER D'ICI PEU LA SUITE D'UN ÉPISODE QUI DÉBUTA À RENNES EN 1983.
La fin de Marc Seberg après l'Olympia en 1990 correspondait-elle à une fin logique et voulue, à l'aboutissement d'une démarche ?
Pascale : C'était tout à la fois. Nous avions la conviction d'avoir fait le tour de toutes les possibilités, nous cinq réunis. Il était temps de passer à une autre aventure, d'ouvrir les portes, de se retrouver tous les deux.de partir au Maroc et de reconstruire autre chose à tous points de vue.
Phitippe : Nous avions conscience de cette fin dès l'enregistrement du "Bout des nerfs". Pascale et moi, nous nous sommes dits qu'il fatlait essayer autre chose et nous avons commencé à composer dès cette époque car le groupe était allé au bout de lui-même, on se connaissait trop. Ça nous est arrivé comme à beaucoup de groupes. Ce n'est pas un regret
Trois années se sont écoulées entre la,fin de Marc Seberg et la naissance de Philippe Pascale. Est-ce un groupe à part entière ou juste un projet musical ?
Philippe : On appelle cela un couple, les joyeux amis (rires).
Pascale : Bizarrement, la transition s'est faite rapidement. A la sortie de la dernière toumée de Marc Seberg, nous sommes partis en vacances au Maroc, puis celles-ci se sont vite réduites à l'espace d'un local de répétition afin de préparer des reprises ainsi que des morceaux à nous en prévision d'un concert donné le 1er décenibre 1990 au profit de la lutte marocaine contre le sida. L'affiche ne proposait que des artistes africains sauf nous, qui n'étions pas prévus à l'origine. Nous avons alors recruté sur place et ce fut un grand choc dans la mesure où nous avons joué devant 6000 personnes qui ne nous connaissaient que par le biais de clips diffusés sur la télé marocaine, dirigée à l'époque par Alan Maneval. Nous ne pouvions néanmoins pas rivaliser avec Toure Kunda ou Khaled sur le plan de la popularité (rires).
Aviez-vous déjà une optique musicale précise ?
Pascale : Nous avons d'abord couché nos envies sur maquette, des envies que nous ne pouvions matérialiser avec Marc Seberg. Les morceaux, composés pour les neuf dixièmes à la guitare, étaient structurés, les idées et les mélodies déjà bien abouties. Dès lors, nous avons commencé à travailler avec Paddy, l'ex-bassiste de Yargo ou Yves-André Lefeuvre (Complot Bronswick. Bruno Green. NDR). En fait, quand tu repars à zéro, deux possibilités s'offrent à toi. Celle de prendre des pointures capables de jouer à peu près n'importe quoi, ou l'autre de travailler avec quelqu'un à qui tu donnes une direction et qui va apporter son feeling. Nous cherchions une finesse de jeu plus sentie que réfléchie. Il est vrai que les musiciens interviennent sur les morceaux déjà aboutis, qu'ils n'ont que peu de liberté avec, mais celle-ci, c'est le feeling. C'est aussi ce que l'on a essayé de faire en matière de production. Pour la première fois, nous avons co-produit cet album avec Phil Délire. un ingénieur du son attitré du studio ICP. Donc, réalisation de A à Z mais responsabilité de A à Z également. Il faut être omniprésent. vouloir chaque note, la désirer parce qu'elle sera là pour toujours. Je commence à rester collée à cette histoire d'entrée en religion mais c'est vrai que Marc Seberg m'a un peu fait cette impression, sur le coup et rétrospectivement. Nous avions une ligne de conduite et chacun s'y tenait. Nous refusions de faire certaines choses. C'est très bien, je ne le regrette pas mais je me rends compte à quel point nous étions vraiment carrés, ne laissant pas trop surgir nos émotions. Nous avons cherché le contraire de l'artificiel. Nous sommes partis sur l'envie que les gens qui écoutent l'album se sentent presque au milieu des musiciens.
Il s'agit d'un investissement personnel différent. Pourquoi ne pas avoir fait appel à nouveau au service d'un producteur ?
Philippe : Car les morceaux sont très différents les uns des autres. Un peu comme une palette graphique. Il nous aurait donc fallu plusieurs producteurs. Nous voulions rompre avec le passé, autant il n'était plus question de groupe, autant il n'était pas question de producteur. Il n'est pas toujours facile d'être sur la même longueur d'onde. C'est toujours un peu mystérieux comme une alchimie.
Le fait de vivre en couple est-il un facteur de plus grande liberté pour votre musique ?
Pascale : Honnêtement, je ne sais pas si j'aurais l'énergie de m'impliquer à ce point si Philippe n'était pas là... La contrepartie, c'est que cela ne s'arrête jamais. J'ai tendance à le vivre 24 heures sur 24, sauf quand je m'endors et encore, j'en rêve parfois.
Philippe : On paye l'électricité à deux (rires)... En fait, j'ai besoin de travailler avec quelqu'un qui sache tout de moi, d'une personne qui me fasse accoucher de certaines choses que je ne pourrais dire, par pudeur ou par aveuglement. Aussi, je crois beaucoup à la complicité.
Cela a-t-il trait aux textes, au courage d'écrire ?
Philippe : Ce n'est pas une histoire de courage. Nous collaborons autant sur la musique que sur les textes. Pascale a un droit de regard évident sur les textes et plus encore. J'aimerais bien d'autre part que l'on voie les textes de l'album comme une mosaïque d'émotions, comme un kaléidoscope d'impressions. Il y a beaucoup de télescopage... Je souhaiterais que cela paraisse improvisé, que ce soit quelque chose de spontané malgré le travail, la réflexion. Il ne s'agit pas d'histoires car cela fait longtemps que j'ai laissé la narration de côté.
Jean-François Leclanche