Marquis de Sade
...Ou le peintre obscur d'un univers personnel et maussade. Groupe fragile, effrayé par la lumière du succès et propulsé malgré lui vers un culte indestructible.

"Es-tu prêt à affronter la lumière maintenant ?" A cette question qu'il posait lui-même dans "Set in motion memories", MdS apportera une réponse cassante en se sabordant au printemps 1982. A la grande surprise de sa nuée grandissante de fans qui, n'en déplaise au Marquis, lui fera une belle légende. Tenace au point de réapparaître comme un fantôme au détour des conversations, bien des années plus tard, ou sous forme d'une réédition CD de ses albums. Triste ironie pour cette musique non-produite, née du cerveau tourmenté et cultivé de Philippe Pascal, chanteur-poète au charisme étrange et distant.

Avec Frank Darcel (guitare), il forme le noyau dur du groupe pendant l'été 1977 à Rennes. Un an après, c'est l'accouchement avec la mise à plat hâtive, au cinéma Le studio, d'un morceau au titre prémonitoire, "Die". Encore délaissé, MdS réunit les moyens du bord pour livrer un album qui est déjà presque un testament. "Dantzig twist", sa pochette au graphisme anguleux où se dessirient les silhouettes de jeunes hommes à l'allure grave. Cependant, le lyrisme angoissé ("Conrad Veidt") ou la fausse désinvolture ("Japanese spy") interpellent et font presque oublier la New Wave anglo-saxonne. Les textes sont poignants et expressifs, souvent désespérés et inspirés d'un néo-romantisme moderne. La musique est feutrée, sourde et désarticulée. S'aventure dans des orchestrations pointues rappelant le Free-Jazz lorsqu'un saxo hystérique ou un piano mélancolique s'interposent sans crier gare. Le son est pourri, l'album tragiquenient beau, et MdS le chef de file de la New Wave française. Sur scène, MdS s'emploie à parfaire ses atmosphères troublées. Derrière la présence indéniable de Pascal, le groupe tisse dans un flou artistique des tableaux de pièces de théâtre à la manière d'un happening. Et MdS fascine, attire une foule à son image. Mais alors qu'un avenir faste lui semble être promis au lendemain de "Rue de Siam", deuxième album tout aussi fort et éprouvant, la pierre angulaire du Rock français des années 80 s'effrite au contact d'un succès croissant qu'il refuse d'assumer. Pascal s'adonnera à la poésie puis à MARC SEBERG. Darcel montera OCTOBRE. Tous deux devront porter sur leurs épaules l'ombre du Marquis. Nous, on pense que notre Rock est passé près de son VELVET UNDERGROUND.

Laurent Lacoste

Copyright : Rock Spirits, 1991