Critique de l'album Lumières et Trahisons
Les Pas de demi-mesure ici ! Pas question de minimiser l'importance et l'impact du personnage Philippe Pascal, ni de l'engoncer dans le carcan d'une scène française fantoche. En cinq albums (pas question non plus d'oublier les deux Marquis De Sade, désolé), son propos s'est affiné jusqu'à devenir unique. Si son inspiration pouvait jusqu'alors être relativisée par l'emploi ardu de révérences intellectuelles, il s'impose aujourd'hui comme un poète majeur. Hors écoles. Libre. Moins de références opaques désormais (Seberg, Sacher-Masoch, Mahler...) pour plus de bons mots (comme un Bergman pernicieux parfois) : d'où une écriture plus rythmée, plus chaleureuse, malgré la constante mélancolique et l'aigreur des thèmes appréhendés. Philippe et Marc Seberg développent dorénavant un art autonome, fin, intelligent, sans rappels ostentatoires à leur culture multipolaire. Pour canaliser la palette de leurs visions, John Leckie (producteur de Simple Minds, Woodentops. Magazine...) a ciselé un son climatique d'une clarté exemplaire, sans doute le meilleur dont le groupe ait pu bénéficier. Plus simple, plus mûr (" pluvieux "), et des voix enfin modulées. Les claviers de Pascale Le Berre et la guitare d'Anzia s'enchevêtrent en une constellation homogène mais aérée, supportée par une section rythmique émaciée à l'extrême, hypnotique par dénuement. Marc Seberg gagne du coup la souplesse qui lui faisait un peu défaut et réussit avec " Lumières et trahisons " un album élégiaque du plus bel effet. Une autre œuvre de référence donc, pour nos futurs. Chacun son tour.
J.-L. M.
Copyright : Guitares et claviers, 1987