Marc Seberg - Lumières et trahisons
Dans ses rêves
Rose, comme la fleur du désert
dont rien n'entame la corolle de pierre,
pas même les vents de sable...
Ton regard : un dégradé de gris.
où le brouillard de la nuit se dissipe,
me pose l'étrange question :
" de quelle couleur est la passion ?
La passion... "
Blanc, comme la trace dans la craie
d'un animal disparu à jamais,
laisserons-nous tant de preuves ?...
Sans réponse, quand l'émotion me serre la gorge,
sans raison, monte la peur de fondre en larmes
comme un gosse.
Et j'ai dansé, dansé, dansé face au vent du Nord,
et j'ai dansé, dansé seul, dans un monde incolore.
Si longtemps... Jusqu'à sentir sur ma peau
lentement
longuement
j'ai cru sentir sur ma peau
le bout de ses doigts.
Le bout de tes doigts !...
Jaune, les eaux d'un fleuve de Chine,
la peau d'un enfant de faïence fine,
aux amours mortes de rire.
Bleu, or, une vision nouvelle.
Devant la toile achevée
le modèle se pose l'étrange question :
" de quelle couleur est la passion ? "
Et j'ai dansé, dansé, dansé face au vent du Nord,
et j'ai dansé, dansé seul, dans un monde incolore.
Si longtemps... Jusqu'à sentir sur ma peau
Lentement
longuement
j'ai cru sentir sur ma peau
le bout de ses doigts,
pleins de tendresse,
apparaissent puis disparaissent.
Au gré de ses caresses, je danse / danse / danse /
danse et rêve dans ses rêves !
Comme la corolle de pierre
de la fleur du désert,
danse et rêve !
Un dégradé de gris
dans la nuit se dissipe.
Danse / danse / danse /
dans ses rêves.
Dans ses rêves...
Philippe Pascal
Décembre
Quand la chair à la neige s'unit
pas d'anneau d'or comme à Venise :
un uniforme perlé de larmes
que la brume insidieuse délave...
Un pur sang rebelle au galop,
l'entraîne dans une course incertaine.
Un flocon de neige de trop,
une rumeur lointaine d'avalanche...
Pour lui
nul rire
mais l'attente.
Pour lui
nul chant
mais le vide.
Pour lui
nulle vie
mais l'attente
et le vide
et le manque.
La vie n'a pas l'élégance
de lui pardonner ses errances.
Seule la mort aura l'indulgence,
un certain matin de Décembre...
Pour lui
nul chant
mais le vide.
Pour lui
nulle vie :
le néant.
Pour lui
plus rien
mais le vide,
quelques cendres en Décembre...
Décembre.
Au fond d'une cuillère,
le reflet
de son univers
s'est inversé.
Sept dents de lait, sept perles noires,
d'un bois ébène, d'un blanc ivoire :
les jours, les nuits de la semaine,
égrènent un chapelet de prières...
Pour lui
nul chant
mais le vide.
Pour lui
nulle vie
quelques cendres.
Pour lui
plus rien
mais le vide
de Décembre.
Pour lui
nul chant
mais le vide.
Pour lui
nulle vie
quelques cendres.
Pour lui
plus rien
mais le vide
de Décembre.
Et toutes ces merveilles cachées en toi
que je n'ai pas su te faire voir.
Et toutes ces beautés au fond de toi
que tu n'as jamais voulu voir.
Pour lui
nul chant
mais le vide.
Pour lui
nulle vie
quelques cendres.
Pour lui
plus rien
pour moi c'est Décembre
l'éternel Décembre.
Philippe Pascal
Emmène-moi
Leurs lèvres closes n'osent frémir
car le plus doux soupir
risquerait de trahir
leur timide présence.
Alors, sans hâte, ils avancent
en se drapant de silence.
Et du fond de l'oubli, quelquefois
comme des notes de musique,
les souvenirs perdus d'autrefois
en vague mélodie,
fragiles refont surface...
Mais très vite, le vent
les ramène aux Alyscamps.
Les poings serrés, les yeux fermés,
ils s'enfoncent indifférents.
Encore un peu plus résignés,
insensibles, pâles et absents.
Mais toi...
Emmène-moi...
Au-delà des mers, emmène-moi !
L'amour s'en vient, la nuit s'en va.
Au-delà des terres, emmène-moi !
L'amour s'en vient, le jour est là.
Loin de ceux qui se terrent
de peur d'être éblouis
Et se voilent de mystère
dans le flou d'une vie
trouble.
Un chat sauvage
insouciant,
a déchiré la page.
Dispersé les images
à tous vents,
ce n'était qu'un mirage.
Dans le petit matin,
il ne restait plus rien
qu'un parfum féminin.
Les poings serrés, les yeux fermés,
ils s'enfoncent indifférents.
Encore un peu plus résignés,
insensibles, pâles et absents.
Fuir !...
L'amour s'en vient, la nuit s'en va.
Fuir !...
L'amour s'en vient, le jour est là.
Au-delà des mers, autour de la terre.
La dernière page du livre marque un nouveau chapitre...
Philippe Pascal
L'amour aux trousses
Il lève l'ancre...
Gonflent ses voiles : un nouveau départ.
SI tu l'attends
il te reviendra.
Quelqu'un, quelque part, te tend les bras.
Une jeune geisha,
dans une maison de thé
à Kyoto,
sur une natte,
l'a enivré de saké
au son du koto.
Il t'a cherchée
cherchée de bras en bras,
croisée et perdue mille fois déjà.
Si tu l'attends
il te reviendra.
Quelqu'un, quelque part, vers toi, tend ses bras.
Dans les vitrines
des rues chaudes de Brême
ou de Hanovre,
des mannequins s'animent
le temps d'un " je vous aime
my love ".
Si tu attends, il reviendra.
Si tu l'attends, il reviendra.
L'amour aux trousses,
aveugle et sourd
enfin !
L'amour au cœur
attend son heure
pour te prendre par la main.
Sur chaque lit de passage
se précise ton visage.
Dans cette chambre, comme dans un écrin,
les tentures blanches ont conservé les plaintes.
Les traces d'un passé qu'il reste à assembler,
les rires et les chagrins, les règles d'un jeu à réinventer.
Il a forcé
la porte des cités
défendues.
Il est tombé
dans les pièges que Circé
lui a tendus.
Si tu attends, il reviendra.
Si tu l'attends, il reviendra.
L'amour aux trousses,
aveugle et sourd
avance.
L'amour au cœur
attend son heure
si tu lui laisses une petite chance...
Un soir, le ciel s'ouvrira un instant, lumineux
un jour perdu, un point s'agrandira, merveilleux
un soir, le ciel s'ouvrira à jamais, lumineux
un jour nouveau, un homme s'avancera, amoureux.
Philippe Pascal
Jeux de lumières
A contre-jour tout d'abord
les contours de son corps
à contrecœur, semblent éclore
aux premières heures de l'aurore.
Il la voit s'élever, fragile,
et il la devine jeune ballerine.
La regarde s'étirer, féline,
et s'élancer dans le prisme
irréel
des jeux de lumières.
Qui est-elle ?
Les yeux du mystère...
Une suite de gestes lents
dans l'air chauffé à blanc.
Une fuite de gestes brefs
révèle d'autres facettes...
Comme la danse des perles de rosée
sur les fils d'une toile d'araignée
dessine, l'espace d'un court instant
une étoile de mer en argent.
Dans les jeux de lumières
elle se voile.
Dans les jeux de lumières
se dévoile.
Dans les jeux de lumières
ses entrechats siamois
glissent en petits pas sournois.
Elle se dérobe
puis s'abandonne,
furtive à ses caresses
un sourire sur les lèvres.
Elle se dérobe
une fois encore,
puis s'évapore
ivre d'éther
dans les jeux de lumières.
Une fuite de gestes lents
dans l'air chauffé à blanc.
Une suite de gestes souples
dans la fièvre du jour.
Regarde comme le ciel est changeant !
Un arc-en-ciel de sentiments.
Et quand il devient menaçant
(regarde) comme il effraie l'enfant
irréel
dans les jeux de lumières.
Où est-elle ?
Dans les yeux du mystère.
Il l'a suivie longtemps des yeux
espérant quelques pas de deux.
Dehors le temps était pluvieux
plus vieux au moins d'un siècle ou deux !...
Dans les jeux de lumière
elle se voile.
Dans les jeux de lumières
se dévoile.
Dans les jeux de lumières
ses entrechats siamois
glissent en petits pas sournois.
Elle se dérobe
puis s'abandonne,
furtive à ses caresses
un sourire sur les lèvres.
Elle se dérobe
une fois encore
puis s'évapore
ivre d'éther...
Elle me monte à la tête
dans les jeux de lumières.
Elle me monte à la tête,
à la tête.
L'éther... l'éther
There's still a light
that shines all night.
There's still a light
that shines all night.
Philippe Pascal
Fascination
Une histoire commence, une autre s'achève...
Mais les chiens errants pleurent toujours leur laisse...
Parfois les eaux du fleuve peuvent devenir claires...
Si l'amour est aveugle il connaît nos faiblesses !
Elle : la belle
a mis la bête
en cage,
m'a pris au piège
en otage
dans le théâtre qu'elle appelle
son âme
...Son âme !
Avec la spirale
des neuf cercles de l'enfer :
les nuits sans sommeil...
La ronde infernale
dans son sillage m'entraîne,
une chute précipitée
d'hôtels en meublés.
Pour elle
j'ai noyé au fond d'un verre
ma maigre fierté.
Pour elle
j'ai noyé au fond d'un verre
mon double, mon reflet
mon frère.
Ange ou démon : une obsession...
Mi ange mi démon : une obsession,
à tort ou à raison, fascination...
Fascination
L'enfer sur la terre.
Mon enfer sur la terre !
Un cri de haine / Appel à l'aide.
Le long des rives
la ville brille
comme une coulée de givre.
Un millier d'aiguilles que la nuit hérisse.
Un millier de désirs m'invitent à sortir.
Elle est partie...
Partie... Fini !
Un peu de rouge
à lèvres au bout
d'une cigarette douce.
Deux ou trois petites choses
que je garde secrètes
mais je vendrais père et mère pour l'emmener danser.
Elle
peut faire de moi ce qu'elle veut.
(Une langue de feu sous la glace.)
Elle
fait de moi ce qu'elle veut
(quand ses cheveux noirs s'enflamment.)
Mi ange mi démon : une obsession,
à tort à raison, fascination...
Mi ange mi démon : une obsession,
à tort à raison, fascination...
Pour une opale sombre,
une opale d'ombre.
Philippe Pascal
La nef des fous
Je dis oui, tu dis non
tu dis noir,, je dis blanc
sans savoir.
Quand je te dis va-t'en, tu restes
et si tu pars, moi, je reste...
C'est pas grave.
Quand vient le soir, les masques tombent,
et deux accords, à l'unisson, montent
vers la lune
qui nous pousse, un jour,
à grimper au mât de hune
de la nef des fous
amants malgré tout;
mais tu t'endors déjà,
te détournes de moi
et dans l'ombre,
la peur d'une trahison,
peu importe son nom
se faufile
et très vite les soupçons...
délivre-moi des sortilèges
quand vers minuit, un loup hurle en moi
à le lune
qui nous pousse tous
à quitter de force
les rues tranquilles de l'amour
pour monter à bord
de la nef des fous.
La nef des fous.
J'ai confondu l'amour
amour et dévotion...
(C'est ma faute.)
Sur un socle, l'idole
touchait la perfection...
(Tout s'écroule au premier faux pas.)
Un collier rouge
autour du cou
et sous mes ongles
des rubis sombres
coulent
sous la lune
nous pousse dans l'abîme
plus loin, plus profond,
laver
l'arme de nos crimes
la honte sur le front
sur la nef des fous.
La nef des fous.
La lune
qui nous pousse tous
à quitter de force
les rues
tranquilles de l'amour
pour monter à bord
de la nef des fous.
La nef des fous.
Amants malgré tout.
Philippe Pascal
Insectes
Invisible, l'ennemi nous enserre,
des allures de Pierrot Lunaire.
Mais quand la musique s'arrête,
s'éteignent les feux de la fête,
dehors une rumeur se propage :
une nouvelle église est en marche.
Anonyme au milieu des foules /
au cœur des foules,
l'animal rôde aux alentours /
aux alentours.
Lorsque la mer s'agite, conspire
sous la surface, elle organise
la mise à mort du navire.
Et lorsqu'elle redevient paisible,
ses flots reprennent de l'ampleur,
attisent le feu des naufrageurs :
une nouvelle victime à venir.
Au va et vient de leurs désirs /
de leurs désirs.
A la dérive des fantaisies /
débute la cérémonie.
Anonyme au milieu des foules /
au cœur des foules,
l'animal rôde aux alentours /
aux alentours.
L'obscurité reste la seule arme
pour partir en guerre contre ce qui se trame,
en pleine lumière, là, devant le nez,
les signes invisibles tant qu'on les éclaire.
L'insecte rampe /
la secte étrangle.
Anonyme en plein cœur des foules,
une menace rôde aux alentours :
la métamorphose est en cours.
Perdues les raisons de nous battre,
overdose à chaque étage,
alors qu'en sous-sol se prépare,
la nouvelle église est en marche.
Au va et vient de leurs désirs /
de leurs désirs.
A la dérive des fantaisies /
des fantaisies.
Au va et vient de leurs désirs /
la dérive de leurs fantaisies.
Au va et vient de leurs désirs /
la dérive de leurs fantaisies...
Mais l'enfant du nouvel âge
derrière ses lunettes noires.
Mais l'enfant du nouvel âge,
un enfant du nouvel âge
traquera l'insecte où qu'il soit
traquera l'insecte où qu'il soit.
Traquera !
Philippe Pascal
Sans paroles
Bonus sur la réédition CD
Des mots trop bavards comme des chèques en blanc,
ou alors langue de bois que je donne à mon chat.
J'épellerai les lettres de ton abécédaire,
à coup de dents, dans un endroit
où les mots sont hors-la-loi.
Pour franchir la frontière, pas besoin de passeport,
ni même de dictionnaire. Laissons parler nos corps.
Pour franchir la frontière, pas besoin de passeport,
pas même une allumette pour que les sens explosent.
Au cœur des ébats, nos deux langues se délient,
se livrent un combat où tout est permis :
les coups les plus bas, les vices et versa;
pli conte pli
plus de limite
à nos désirs...
Les mots sont hors-la-loi mais l'émotion est là,
viens, prenons l'escalier des plaisirs détournés.
Les mots sont hors-la-loi mais l'émotion est là,
vers le septième étage, là où l'essence s'embrase.
Pour franchir la frontière, pas besoin de passeport,
dans son corps, un abri, la porte est grande ouverte...
Les mots sont hors-la-loi mais l'émotion est là,
un asile de verre, léger, haut dans les airs...
Philippe Pascal
Miss leading
Bonus sur la réédition CD
Ses yeux
quand elle s'éveille
sont bleu vermeil,
et le soir
quand elle s'endort...
Des paillettes d'or.
Toutes les étoiles filent entre ses bras
s'étiolent tout au bout de ses doigts
mais seules m'importent
les paillettes d'or
où un insecte, un soir d'été
s'est brûlé les ailes, sans regret.
( Miss Leading / Missing Link )
L'élégance déliée
de ses poignets
( Miss Leading )
lorsque ses mains
s'attardent sur le clavier.
Un prélude déroule ses volutes
mélodie nocturne sous la lune
mais seules m'importent
ses mains sur le clavier.
Combien pour un simple peut-être
brûlèrent leur vie sur un coup de tête ?
Dangereuse
enivrante,
absinthe et alcool de menthe,
religieuse
les senteurs d'une femme-plante
vénéneuse.
Dans une larme d'ambre polie
Miss Leading n'a pas vieilli.
L'élégant déliement
de ses poignets ambrés,
l'éléphant délirant
de ses soirées manquées.
Le décor imposant
où un fantôme absent
déclame du verlan
jusqu'à la fin des temps.
( Miss Leading / Missing Link )
Vrai ou fossile vivant
dans les pages d'un roman
" A Rebours " de Huysmans
est-ce le chaînon manquant ?
L'odeur des résédas
embaume la véranda
lourds parfums enivrants
jusqu'à la fin des temps.
( Miss Leading / Missing Link )
jusqu'à la fin des temps.
Philippe Pascal
Rem : Une édition limitée du 33t est sortie avec un deuxième vinyle reprenant "L'amour aux trousses" en version maxi, "Sans paroles" et "Miss leading".